Vaches sacrées ou steak tartare?

Article : Vaches sacrées ou steak tartare?
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15 mars 2015

Vaches sacrées ou steak tartare?

vache

A Bombay, il est interdit de détenir et de consommer de la cocaïne, de l’ecstasy, et maintenant de la viande rouge. Ca ne paraît pas grand-chose, mais les nationalistes hindous au pouvoir ne vont probablement pas s’arrêter en si bon chemin.

Ces derniers temps, je n’ai pas tenu mon blog à jour. Honte à moi, mea culpa, je voyageais et j’ai eu du mal à me poser pour écrire quelque chose sur Bombay, d’autant que je n’y étais même pas!

Mais un événement a eu une incidence très forte à Bombay la semaine dernière, événement qui peut paraître risible et superficiel, mais qui dit beaucoup sur l’évolution de l’Inde aujourd’hui (et sur mon taux d’anémie dans quelques mois).
Cet événement, c’est le « Beef ban », l’interdiction de la vente et de la consommation du bœuf (ou plutôt du buffle, on verra ça plus tard) ainsi que la fermeture des abattoirs réservés à cet animal.
Remettons tout de suite les choses à leur place : en Inde la vache est sacrée de chez sacrée, donc on ne la touche pas, on ne la mange pas et si elle décide de s’asseoir tranquillement au milieu de la route pour faire une sieste ou chier un coup, on attend tranquillement et on regarde le noble et élégant animal vaquer à ses occupations.
Pour rappel, la vache est sacrée en Inde (Gao Mata = Mère vache), car elle a un statut de mère nourricière universelle, donnant son lait à tous, et qu’elle est la représentation idéale du monde animal.

Donc la vache, on n’y touche pas, ok. Le boeuf n’est pas sacré, mais on y touche pas non plus (depuis 1972 à Bombay). Mais tous ses dérivés (buffle, bufflonne, taureau… ) étaient autorisés à la consommation. Après cette interdiction, seul le buffle peut se retrouver dans notre assiette.

Pour vous dire la vérité, cette interdiction ne changera pas grand-chose pour moi car ces viandes étaient rarement excellentes, ni très tendres et j’en mangeais finalement très peu sauf lorsque je voulais me rappeler le goût d’une bonne viande rouge (le goût, c’est avant tout dans la tête que ça se passe).

bouche

Au-delà des considérations culinaires qui peuvent être importantes pour certains, mais qui ne tueront finalement personne, le problème est avant tout moral, religieux et sociétal.

 

En effet, il y a un an, l’Inde a élu Narendra Modi premier ministre. Celui-ci a un programme de relance économique, de lutte contre la corruption et de rapprochement avec les pays voisins, très bien. Mais, c’est aussi un nationaliste hindou suspecté de n’avoir rien fait pour empêcher le massacre de 2 000 musulmans par des fanatiques hindous dans l’Etat dont il était le gouverneur.

 

Lorsqu’il a été élu l’année dernière, les progressistes craignaient la mise en place d’une politique religieuse et conservatrice et la persécution des minorités religieuses, notamment les musulmans. Mais Modi a décidé de rester discret sur ces questions pendant quelque temps, et de se concentrer sur des sujets plus consensuels.
Cependant, depuis quelque temps, et de manière assez pernicieuse, on sent que les nationalistes hindous posent leurs pions un peu partout dans le pays, plus ou moins discrètement, mais toujours fermement.
D’abord l’alcool a été interdit dans le Kerala, des programmes de conversions forcées ont été établis dans le pays, les manuels scolaires ont été modifiés, le bœuf a été interdit à Bombay et ce n’est sans doute pas fini.
Cette situation est d’autant plus effrayante qu’elle se déroule progressivement, sans créer de conflit majeur et qu’elle concerne un certain nombre de personnes, les musulmans évidemment, les non hindous ensuite, mais aussi les intouchables et évidemment les femmes.

Ce qui fait quand même beaucoup de monde…

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Commentaires

elsa njiale
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Par votre analyse je comprends mieux pourquoi le film de la réalisatrice anglaise "Filles de l'Inde" a été interdit. Ce n'est pas demain que la situation des droits des femmes dans ce pays sera examinée. Mais en procédant de la sorte, le premier ministre peut créer des tensions surtout dans le contexte mondial actuel où les musulmans se sentent marginalisés.